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INTRODUCTION Le 20e siècle est un siècle de guerres et de paix, tout comme l'avait titré plutôt Léon Tolstoï. Jamais dans l'histoire de l'humanité nous aurons vu un siècle avec autant de conflits et de guerres. Certaines de ces guerres auront eu par moments une portée internationale, et quelquefois d'autres auront sombré dans l'oubli. Malgré tout, la vie et l'histoire ne peuvent perdurer si la guerre est toujours maîtresse, il semble donc logique que les projets de paix forment aussi l'une des membranes importantes du 20e siècle. Dans les projets de paix viennent les projets de construction et de développement : l'Europe est d'ailleurs le plus bel exemple de développement. L'évolution de l'Europe actuelle est l'une des édifications les plus longues et les plus ardues de ce siècle. Sortant tout juste de deux guerres mondiales, qui ont meurtri son territoire, ses gouvernements, son économie et sa population, l'Europe a su surmonter plusieurs obstacles pour arriver à la resplendissante et grande Union Européenne que nous connaissons maintenant. L'un des obstacles et des conflits mémorables ayant impliqué des nations européennes est la crise du canal de Suez en 1956. Cette crise ne fut pas simplement marquante pour le gouvernement et le peuple égyptiens, les États-Unis et l'U.R.S.S., mais surtout pour la France et la Grande-Bretagne, qui ont vu, par la nationalisation du canal de Suez, la perte de nombreux intérêts économiques et politiques en pays colonisé. Notre visée de recherche sera explicative, car nous tenterons d'expliquer quelles sont les causes de ce conflit en y expliquant quels intérêts avaient les deux pays européens à intervenir dans ce conflit. Par l'analyse de la situation de Suez, nous tenterons de répondre à la question suivante : Pourquoi la France et la Grande-Bretagne avaient elles intérêt à intervenir dans la nationalisation du canal de Suez par le Président Nasser? C'est par cette question que nous nous formulerons ensuite une tentative de réponse, une hypothèse qui nous permettra de mieux trouver la meilleure explication. Voici cette hypothèse : la France et la Grande-Bretagne ont des intérêts économiques dans le canal de Suez, et ce sont ces intérêts qui expliqueraient leur intervention. Trois concepts se retrouvent dans l'hypothèse : en premier lieu, les intérêts économiques de la France et de la Grande-Bretagne, deuxièmement, leurs intérêts politiques, et troisièmement, la construction du canal de Suez. DÉVELOPPEMENT-CONCEPT Définition des concepts Comme il est démontré dans l'introduction, trois concepts se retrouvent dans l'hypothèse, les intérêts économiques, politiques, et le canal de Suez. Pour faciliter la tâche de notre analyse, nous allons tout d'abord définir ces concepts. Intérêt économique : Un intérêt économique est l'attention qu'un individu ou qu'un groupe d'individus porte à quelque chose en matière d'économie. Intérêt politique : Un intérêt politique est une attention qu'un individu ou qu'un groupe d'individus porte à quelque chose en matière de politique. Canal de Suez : L'isthme de Suez, qui relie l'Égypte à l'Asie intérieure en séparant la Méditerranée de la mer Rouge. (MOURRE, Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire, 1998) « Le projet d'ouvrir une voie de communication maritime entre la mer Méditerranée et la mer Rouge avait été conçu et réalisé dès la plus haute antiquité, chez les pharaons. Mais il ne s'agissait alors que d'une voie d'eau précaire, détruite au VIIIe siècle après J.-C., et c'est seulement en 1869 que les deux mers furent réunies par un véritable canal, accessible aux plus grands navires de l'époque. L'idée du percement de l'isthme avait été envisagée de façon concrète à partir de 1820 et des études sérieuses entreprises. Un diplomate français, Ferdinand de Lesseps, s'efforça, avec patience et obstination, de les faire aboutir. Ayant obtenu un acte de concession du vice-roi d'Égypte, il fonda la Compagnie universelle du canal de Suez, et celle-ci construisit le canal de 164 km qui transforma le commerce maritime international.» (Encyclopedia Universalis, Canal de Suez, 2005) Avec la définition de ces trois concepts, autour desquels nous allons baser notre argumentation, il nous sera maintenant plus facile de présenter nos idées. Donc faisons un retour à notre hypothèse qui était la suivante : la France et la Grande-Bretagne ont des intérêts économiques et politiques dans le canal de Suez, et ses intérêts expliqueraient leur intervention. Avant d'y aller avec l'explication des intérêts économiques que les deux belligérants ont concernant le développement du canal de Suez, allons-y avec les intérêts politiques des pays touchés à l'époque par ce conflit. Intérêts politiques «D'abord liquider notre contentieux avec l'Angleterre…» Voilà ce que disait un compagnon de Nasser en 1952. Nous voyons déjà qu'à cette époque, les politiques nassériennes étaient désirantes d'une indépendance totale. (LACOUTURE, Nasser seul, 1971) Premièrement, trois grands champs conflictuels expliqueraient la crise de Suez. En premier lieu, le plus important et déterminant de ces champs apparaît comme étant celui de la Guerre froide. Avec la récente nationalisation de «l'Anglo-Iranian company», par le parti communiste, les Américains ne désiraient pas qu'une autre intervention du genre vienne donner des ailes aux mouvements communistes dans la région du Proche-Orient : cette crainte était bel et bien fondée et ne correspondait pas aux idéaux maccarthystes. Les États-Unis décidèrent donc de donner un appui à Nasser, président de l'Égypte à l'époque, mais ce dernier exigea d'eux qu'ils chassent les Anglais du territoire. Nous verrons que ces derniers échouèrent dans leur tentative de rallier Nasser, qui tombera plutôt du côté soviétique. (FERRO, Manière de voir, 2005) En deuxième lieu, ce conflit intervient dans un deuxième cercle conflictuel : les révoltes des peuples coloniaux, surtout les cas de l'Égypte et de l'Algérie. D'abord, en Égypte, la dispute est si grande que ces derniers considèrent que l'évacuation de l'Égypte est plutôt une retraite forcée qu'un accord entre deux pays souverains. D'un autre côté, il y a les Français, qui eux considéraient la crise comme une continuité à la difficile et pénible guerre d'Algérie. (FERRO, Manière de voir, 2005) De plus, comme enjeu secondaire, les Français désiraient renverser Nasser et même l'abattre, car ce dernier les empêchait de maintenir leurs positions en Algérie. Nasser n'empêchait pas physiquement l'influence des troupes françaises en Algérie, mais il agissait comme motivateur pour l'indépendance algérienne. En continuité avec l'influence de Nasser : il favorisa et encouragea le progrès rapide du nationalisme dans les États arabes producteurs de pétrole. (GEORGES-PICOT, La véritable crise de Suez, 1975) En troisième lieu, la troisième zone problématique de la situation du canal de Suez est les rapports entre Israël et les pays arabes, car pour Israël, voir les Anglais quitter l'Égypte signifie pour eux la possibilité d'une guerre contre les pays arabes, étant donné la situation géopolitique du pays des pharaons. (FERRO, Manière de voir, 2005) Intérêts économiques En ce qui a trait aux intérêts économiques, ils sont fort simples. Nous devons toutefois remonter jusqu'à la construction du canal en 1869, où Ferdinand de Lesseps, un ingénieur français, reçu l'approbation du vice-roi d'Égypte pour construire le canal de Suez, reliant la mer Rouge et la mer Méditerranée. (Encyclopedia Universalis, Canal de Suez, 2005) Et depuis, la France possède d'importantes parts dans le consortium international de la Compagnie du canal de Suez. (FERRO, Manière de voir, 2005) Lors de la création de cette dernière, 400 000 actions avaient été distribuées, et «la moitié des actions furent souscrites par la France; la concession devait partir de la date de l'ouverture du canal, et, à son expiration, 99 ans plus tard, le canal deviendrait la propriété du gouvernement égyptien; les bénéfices seraient répartis à raison de 15 % à l'Égypte, de 10 % aux fondateurs et de 75 % à la Compagnie.» (MOURRE, Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire, 1998) Mais nous voyons qu'aucun des bénéfices ne fut redistribué à l'Angleterre, car le gouvernement anglais n'acheta les actions d'un actionnaire endetté qu'en 1875, devenant ainsi le principal actionnaire. Ceci explique pourquoi les Britanniques et les Français avaient à intervenir dans le conflit. De plus, nous voyons que le canal de Suez jouait un rôle particulier dans l'économie britannique, car la crise financière qui suivit sa construction expliqua l'importance du canal dans l'économie anglaise. La valeur de la livre anglaise se trouva soumise à des pressions spéculatives qui affectèrent les marchés financiers anglais. De plus, pour arriver à contrer ses spéculations, l'Angleterre put bénéficier de l'aide du FMI, mais qui dit FMI, dit États-Unis, donc les britanniques durent donc se contraindre aux obligeances américaines qui exigeaient le départ des troupes franco-britanniques, et si les Britanniques quittaient l'Égypte, ils obtenaient ainsi l'aide financière nécessaire du FMI pour contrer la crise. (BOUGHTON, Problème économiques, 2001) En plus, statistiquement, le trafic du canal de Suez était maintenant rendu à 115 millions de tonne en 1955, quant l'on sait que le trafic du canal de Suez rapporterait à l'Égypte un péage de 25 millions de francs par semaine, nous comprenons absolument pourquoi les deux belligérants avaient à intervenir. (MOURRE, Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire, 1998) La crise du canal de Suez amena comme conséquence une forte crainte des investisseurs occidentaux qui investissent dans les pays en voie de développement, par crainte d'un nationalisme tel que celui prôné par Nasser. (GEORGES-PICOT, La véritable crise de Suez, 1975) Mais une autre question s'impose, car les Britanniques, tout comme les Français, avaient déjà énoncé que le canal de Suez était une propriété égyptienne. Pourquoi donc ces derniers sont-ils intervenus, malgré cette affirmation? Comme hypothèse, il serait logique que la France, tout comme la Grande-Bretagne, était désirante de renégocier cet énoncé en leur faveur, pour éviter d'y perdre au change. Malgré tout, l'histoire ne pourra jamais nous dire quelles auraient été leurs réactions, car Nasser en décida autrement. (GEROGES-PICOT, La véritable crise de Suez, 1975) CONCLUSION En conclusion, nous nous rendons compte que la crise du canal de Suez ne fut pas juste un évènement marquant pour l'Égypte, mais bien pour le monde entier, et surtout pour l'Europe, qui a vu ses pouvoirs disparaître au profit de joueurs de plus en plus imposants, tels que les États-Unis et l'U.R.S.S., mais aussi au profit de l'indépendance des anciennes colonies européennes. (BAUDHIN, Libre Belgique, 1957) De plus, la crise du canal de Suez fut marquante pour les relations arabo-israéliennes, car ce conflit marqua les 50 prochaines années, et même le 21e siècle, teinté de relations très tendues entre Israël et les autres pays arabes. Après analyse, nous voyons que l'hypothèse concernant l'intervention des deux pays européens dans la crise du Canal de Suez était bel et bien fondée, car les intérêts politico-économiques qu'avaient la France et la Grande-Bretagne nécessitaient une intervention de premier plan, telle que l'opération «Mousquetaire» organisée par ces derniers. Cela dit, la crise du canal Suez changea à tout jamais les relations arabo-israéliennes, car les conflits qui suivirent la crise marquèrent à tout jamais les relations au Moyen-Orient. Nous pouvons dire que la crise du canal de Suez ne fut aussi qu'un préambule aux guerres et aux politiques nassériennes, telles la Guerre des Six jours. Comme le citait Jean Lacouture en 1971, aucun chef d'État depuis Staline n'aura été aussi violemment haït et aussi passionnément acclamé que cet officier égyptien qui, pendant près de vingt ans, fut l'épicentre d'un séisme permanent, et les décisions prisent par ce dernier se répercuteront longtemps encore sur l'avenir de la paix ou de la guerre en Orient, c'est-à-dire dans le monde. Et nous voyons que presque 40 ans plus tard, ce dernier avait bien raison, car la situation en Orient a des répercussions sur le monde entier. MÉDIAGRAPHIE Monographie • GEORGES-PICOT, Jacques. La véritable crise de Suez. Paris : Éditions de la Revue Politique et Parlementaire, 1975. 337p. • LACOUTURE, Jean. Nasser. Paris : Seuil, 1971. 355 p. Périodique • FERRO, Marc. «vingt-cinq ans après ». Manière de voir. Vol.87 (Juin-Juillet 2006) p. 22-25 • M. BOUGHTON, James. «Comment le FMI est devenu le pompier des crises financières». Problèmes économiques. No 2736. P.20-22 Article d'encyclopédie ou de dictionnaire • MOURRE, Michel. «Suez» dans le Dictionnaire Encyclopédique d'Histoire. Nouv. Éd. Paris : Bordas, 1998, p. 4447-4448 Article d'encyclopédie en ligne • «Canal de Suez» dans Encyclopedia Universalis. [En ligne] http://www.universalis.fr/encyclopedie/R170981/SUEZ_CANAL_DE.htm#07000000)} (Page consultée le 28 novembre 2008)